23-09-2022
Les deux pieds sur la balance, on se doute que si on nous pèse avant d’embarquer, c’est qu’en principe on ne va pas voler dans un A380.
Bingo, c’est à bord d’un petit coucou de 18 places avec vue sur les pilotes qui trifouillent les boutons du cockpit que nous arrivons à Motalava.
Les îles Banks sont composées de 8 îles au nord du Vanuatu.
Ce sont LES îles qui nous donnent le plus envie, elles ont l’air très authentiques.
Ici, un seul avion passe par semaine et encore ça, c’est si tout va bien.
Pour cette raison, très peu de touristes s’y rendent et on a la confirmation quand on voit quelques jeunes enfants partir en larmes en nous voyant. Effectivement nous sommes les deuxièmes blancs à venir sur cette île depuis la réouverture des frontières le 1er juillet 2022.
C’est chez Nancy et Nicolas que nous nous arrêtons, au village de Totolag.
Arche de fleur, cocos fraîches et colliers de fleur, ils ne lésinent pas sur les moyens pour nous accueillir.
Ils nous disent qu’ils veulent qu’on se sente comme des membres de leur famille et c’est clairement le cas durant notre séjour.
Nous passons de longues heures à discuter de nos vies, de leurs coutumes, de leur île, du covid aussi.
Ici, pas d’eau courante, c’est l’eau de pluie qui est récupérée, c’est même elle qu’on boit.
L’électricité est fournie par des panneaux solaires dont ils sont tous équipés. Il n’y a alors que quelques lumières par-ci par-là le soir et de quoi recharger un téléphone (qui de toute façon ne capte pas tous les jours). Plusieurs cabanons, fait de bois et de feuilles de cocotiers, sont répartis sur leur terrain, un pour la chambre, un autre pour manger, un pour la salle de bain et un dernier pour la cuisine ouverte.
Chaque cuisine est équipée d’un poêle à bois sur lequel on met à chauffer la marmite après avoir allumé le feu avec des feuilles de cocotier séchées.
Nicolas nous dit tout sourire qu’il va partir ce soir à la pêche pour essayer de nous ramener des langoustes.
« On peut venir avec toi ? » demande Damien, une lumière s’éclaire dans le regard de Nicolas, il n’en revient pas qu’on veuille venir, d’habitude ses « guest » ont plus l’habitude de se mettre les pieds sous la table seulement^^. Il part tout amusé nous organiser le bateau.
Vers 17h30, nous partons au coucher du soleil en compagnie de 3 pêcheurs et du capitaine.
L’eau est translucide sous nos torches. Masque sur le nez et tuba en bouche, nous nous jetons à l’eau pour la première fois de notre vie dans le noir complet.
Qu’est ce que c’est calme l’eau la nuit.
Tout à l’air au ralenti. Seul les lumières des pêcheurs s’agitent, ils plongent à 25m de profondeur facile et restent plusieurs minutes à chercher les langoustes, harponner les gros poissons, remontent leur butin et repartent dans les profondeurs et ce pendant plusieurs heures.
Nous aussi on essaye bien sur mais notre performance en apnée est tellement ridicule qu’on est plus là à faire du snorkeling qu’autre chose 🤣
Nous rentrons sous un ciel étoilé comme on a rarement vu, sans langouste mais tellement heureux de cette expérience.
Le lendemain matin, nous avons une visite très importante, celle du jardin de nos hôtes.
Chaque famille doit posséder un jardin pour pouvoir se nourrir, avoir du bois pour construire sa maison et faire le feu pour la cuisine et aussi avoir suffisamment de vivres pour célébrer les mariages et les funérailles. C’est avec une grande fierté qu’ils nous montrent leurs taro, igname, manioc, concombre, blettes, kava, bananier et pleins d’autres choses.
Chaque matin, ils vont donc au jardin prendre les légumes et fruits pour manger ce jour-là et très important, ils doivent automatiquement replanter quelque chose pour être sur de ne jamais manquer. Ainsi, Nancy nous dit en rigolant « on n’a pas vraiment besoin d’argent parce qu’à part du savon, des brosses et quelques tissus, on n’achète rien ».
On se régale chez eux, on a droit au pain traditionnel (comme un pain brioché mais encore meilleur) avec de la confiture de coco, des pamplemousses et concombres du jardin. Pour les repas c’est langoustes, thon, légumes du jardin. On mange tellement, qu’on a mal au ventre, on est obligés de faire des siestes digestives 🤣
Nicolas tient à nous montrer la fabrication traditionnelle du kava.
On prend alors les racines récupérées le matin au jardin, on les grattes, les nettoies, puis à l’aide d’un caillou spécial, allongé et entaillé, il pilonne dans sa main les racines qui s’émiettent.
Mélangées à l’eau, on presse bien les fibres obtenues puis on filtre le tout avec une lamelle très fine de tronc de palmier qui ressemble à de la toile de jute. Le tout se sert dans une écorce de coco.
Tout ce qu’on a utilisé va être jeté dans le jardin ou va servir à allumer le feu, que du bio dégradable et aucune poubelle ici.
Ce soir, c’est déjà le dernier en leur compagnie, ils nous préparent alors le plat traditionnel le lap lap (une sorte de purée) d’igname roulé dans des feuilles de blettes, le tout s’appelle un simboro.
On mange tous ensemble sur une natte de feuille de palmier sur le sol et nous passons la soirée encore à discuter et apprendre de leur histoire, répondre à leur question sur la France et se raconter des anecdotes.
Le lendemain, l’heure des au-revoir sonne. Nous avons droit à un collier de coquillage chacun et une belle chanson (forcément la petite larme est là).
Etat de la situation
Température: 30°
Histoire du pays: ++
Coup de coeur : ❤ ❤ ❤
Heures de trajet: 1h30

Lorsque nous rentrons du jardin avec Nancy et Nicolas, une grosse pluie nous tombe dessus.
On se réfugie dans une maison, puis 30 min plus tard nous rentrons chez eux.
Sur le chemin on voit de l’agitation, des femmes viennent parler à Nancy et Nicolas affolées.
On comprend qu’il s’est passé quelque chose de grave mais c’est tout.
Au loin, tous les villageois sont attroupés autour d’une personne qui semble faire un massage cardiaque, il y a des cris et des pleures. On nous explique qu’un bébé de 1 an et 9 mois jouait dehors (comme tous les enfants ici), qu’il était dans un trou et qu’avec la pluie, l’eau est rapidement montée et le petit s’est noyé…
Nicolas très calme va voir de plus près, il s’agit du fils de son neveu.
Nous, nous rentrons avec Nancy qui entame la cuisine et nous explique que c’est la vie.
On entend les cris de la mère dans tout le village, c’est horrible. Un voisin lui cri même « Shut up !!! ». Nancy nous dit que ce n’est pas bien de pleurer comme ça.
C’est une ambiance vraiment très particulière, elle nous dit « ne croyez pas que je suis insensible mais j’ai perdu ma mère, mon frère et deux oncles la même année, je connais cette douleur ».
Le médecin a du dire qu’il ne pouvait rien faire puisque au bout d’une demie heure tous les villageois présents se sont mit à hurler et pleurer.
Selon leur tradition, les hommes ont alors construit le cercueil l’après-midi même.
Puis ils ont préparé à manger en grosse quantité puisque tous les villages alentour vont venir ce soir et rester la nuit pour présenter leurs condoléances et veiller le mort avec la famille.
Il y aura un autre gros repas avec tout le monde dans 5 jours, un autre dans 10 jours, puis à 20 jours, 50 jours, 100 jours et enfin, à l’anniversaire des 1 an de la mort du petit, ce sera le dernier et à cette occasion la famille brûlera les habits du mort pour le laisser définitivement partir.
Ils restent tous ensemble et portent le deuil en collectivité.
Le lendemain, Nancy nous dit que le prêtre a invité tout le gens du village à venir prier pour l’âme du petit, nous allons donc à la messe du dimanche qui fait office d’enterrement.
La messe est donnée a moitié en anglais et en bislama.
On comprend qu’il sermonne les parents en disant qu’il faut surveiller ses enfants et que ce petit est mort parce que sa mère ne l’a pas surveillé (très particulier d’entendre remuer le couteau comme ça), puis ils enterrent l’enfant devant sa maison, pour qu’il continu en quelque sorte à vivre parmi sa famille.
Au moment de mettre le cercueil en terre et de le recouvrir, une partie des gens se mettent à chanter avec le prêtre et l’autre se met à hurler et pleurer. Plus les pleures sont forts, plus les chanteurs augmentent aussi et ça fait un hurlement général qui prend vraiment aux tripes. Nous essayons tant bien que mal de retenir nos larmes. Puis les cris et les complaintes diminuent. Nous rentrons pour préparer nos affaires et partir pour Rah, les pleures de la famille retentiront toute la journée et certainement pour un long moment encore.
La phrase du jour :
« J’ai l’impression d’être dans rendez-vous en terre inconnue »




















